mardi 26 avril 2011

Billet persan



Mon cher Usbek,





J’ai atteint ce qui me semble être la destination finale de mon voyage. Il ne s’agit ni de Paris - ville des lumières en ce pays du nucléaire - ni de Londres bien trop occupée à débattre de la couleur du chapeau de la reine, de la musique du bal, en un mot des festivités de l’imminent mariage princier. Non, me voilà arrivé dans la cité de Nice.

« Nice, c’est pas Tunis ! » On me l’a tellement dit que je pense qu’il doit s’agir d’une plaisanterie locale. Je suis arrivé avec un retard de 11 heures mais il paraît que c’est ici une coutume pour les trains de ne pas arriver à temps. Notre convoi a été arrêté toute une nuit puis nous sommes arrivés gare de Nice, où l’accueil n’était pas à la hauteur de mes espérances. L’hospitalité française n’est pas ce qu’on nous avait dit mon cher Usbek : j’ai été placé dans une cellule où les draps sont en papier et l’hygiène déplorable. Il faut que tu saches que la France est un pays surpeuplé : trop de personnes dans les prisons (nous sommes 6 pour 3 places), trop de personnes dans les mosquées (te rends tu comptes, certains fidèles prient dans la rue, à même le trottoir) trop de personnes sans maison, trop de personnes sans travail. Il n’y a, m’a-t-on dit, qu’un seul endroit déserté en France : les bureaux de vote. On a tenté de m’expliquer que la France était en effet trop peuplée mais manquait de Français, j’avoue n’avoir pas tout compris.

Les Français, même ceux qui ne connaissent pas notre beau pays pour n’y avoir pas passé leurs vacances, soutiennent notre révolution qui a chassé le despote. Si on ne m’aide pas, si on me retient entre quatre murs moi qui n’aspire qu’à goûter à la liberté, ce n’est pas par méchanceté ou peur. Mon gardien m’a expliqué qu’il s’agissait d’un espace chaînes et gaines, que c’était compliqué, qu’il y avait l’an prochain en France un événement très important - « un peu comme le mariage en Angleterre » a-t-il dit en souriant - et qu’on ne pouvait pas faire ce qu’on voulait.

J’ai entendu ce matin que, tel Mohamed Bouazizi le vendeur ambulant, un travailleur de France Telecom (une grande entreprise française qui vise à mieux lier les être humains les uns aux autres) s’était donné la mort en s’immolant par le feu.

Je ne sais, mon chère Usbek, s’il s’agit comme pour nous d’une des premières lueurs de l’aube ou bien des derniers soubresauts du crépuscule.

A Nice, le 15 de la lune de Zemmour,

Mo²…

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