Une fois n’est pas coutume, je vais tenter de délaisser un peu le cynisme affiché de mes billets pour en livrer un « de fond » suite aux réactions que j’ai lues ici et là, notamment sur lemonde.fr
Avant toute chose je répondrai à cet argument que je considère comme le degré zéro de l’utilité dans le débat : « Essaie d’aller construire des églises dans certains pays et tu verras ce qu’il t’arrive». En effet dans certains pays la tolérance religieuse est faible et les catholiques ne sont pas les bienvenus. Et alors ? Doit-on leur rendre la pareille ? Est-ce la loi du talion : œil pour œil dent pour dent ? Le rôle de la Suisse est-il d’encourager ce nivellement par le bas des relations entre religions ? Les Etats Unis appliquent la peine de mort, devons nous en faire autant ? Bref, assez avec cet argument ‘ beh eux aussi ils interdisent des trucs’ qui va contre le bon sens le plus basique.
Ensuite un petit point sur la situation : en suisse on dénombre 4 minarets, on est loin de l’invasion ! Sur l’affiche que j’ai retranscrite dans mon billet précédent, on y voit pas moins de 7 minarets pointés vers le ciel tels une batterie de missiles, 7 minarets, quasi deux fois plus que le nombre total existant en suisse !
Il est reproché à ces minarets d’être non pas un élément architectural d’un édifice religieux mais un outil de propagande, d’endoctrinement, bref quelque chose allant à l’encontre du « vivre ensemble » et du respect des différences. Je tiens à préciser que dans aucun des quatre minarets existant en Suisse un appel à la prière n’est effectué par un muezzin. Alors quoi ? Dites moi vous qui lisez ces lignes et défendez cette votation, dites moi pourquoi les interdire ? Qu’est ce qui les différencie du plus bête clocher ? Ces minarets servent à différentier la mosquée d’un quelconque bâtiment tout comme le clocher pour une église ! Je ne vois aucune raison concrète à leur interdiction : éclairez-moi ! Il n’y a que la peur / la haine du musulman qui a motivé cette interdiction.
Autre réaction inconcevable à mon billet « T’as qu’à dire oui à la burqa tant que tu y es ! ». Voilà, c’est exactement ce genre de réactions qui montre à quel point l’amalgame est vite fait entre la pratique ‘normale’ de l’islam et les dérives de certains extrémistes. Et oui pour certains c’est la même chose ! Un minaret, qui ici ne sert même pas à l’appel à la prière, comparé avec la burqa : mais cela n’a rien à voir bon dieu (expression adéquate ici…). Faisons un parallèle : à quelqu’un qui soutiendrait la construction de clochers je répondrai : T’as qu’à dire oui aux prêtres pédophiles tant que tu y es ! Je n’entrerai pas ici dans le débat sur la burqa, vous me permettrez cependant d’affirmer que je suis contre le port de la burqa, contre son interdiction par la république Française, et contre l’interdiction de la construction de minarets en Suisse, et que je ne trouve aucune contradiction dans ma position.
Considérons un peu maintenant le système de la votation en Suisse : il me semble apparent qu’il montre ici ses limites. Oui, l’idée de démocratie participative est belle, mais quand elle conduit à un tel renfermement des peuples sur eux-mêmes elle devient dangereuse. Un problème du système Suisse est que le nombre minimum de signatures pour l’organisation d’une votation n’a pas évolué avec la démographie : 100 000 signatures suffisent, rapporté au nombre d’habitants (7.4millions) cela fait que 1.35% de la population peuvent permettre la tenue d’une votation sur tout et n’importe quoi.
A partir de là, une méconnaissance de la situation (combien de minaret, appel à la prière ou non) de la propagande (la fameuse affiche) des amalgames (minarets = port de la burqa) des affaires fâcheuses (Kadhafi…) des amalgames encore (Ben Laden, Ahmadinejad..) et l’on en vient à adopter n’importe quoi.
Je trouve dommage (euphémisme…) que Genève, ville de naissance de Rousseau, siège du Conseil des droits de l’Homme, envoie un tel message d’intolérance car c’est bien de cela qu’il s’agit.
Merci à ceux qui voudraient entrer dans le débat de le faire correctement c'est-à-dire en daignant développer leur point de vue au delà d’une phrase laconique.