On dira ce qu’on voudra mais on ne m’enlèvera pas de l’idée que Kechiche nous avait habitués à mieux. Que cela soit avec La graine et le mulet dont la réputation n’est plus à faire (ah cette danse du ventre…) ou bien avec l’Esquive, l’histoire de jeunes de banlieue interprétant la pièce de Marivaux « Jeu de l’amour et du hasard », et ce avant la mise en place du plan Marshall des banlieues par Fadela Amara dont les effets bénéfiques s’affichent jour après jour jusque dans les sommaires des JT de Pernault.
La Venus noire, diffusée actuellement dans la plus petite salle du cinéma prêt de chez vous, aborde le sujet délicat de la Venus hottentote, histoire vraie d’une femme africaine exhibée dans des gourbis londonien ou des salons parisiens au XIXème siècle (post Voltaire et Rousseau, c’est douloureux de s’en rappeler) du fait d’une anatomie hors norme et des clichés véhiculés, à l’époque.
Le film ne se demande pas si l’homme africain est rentré dans l’histoire et c’est bien dommage. Les premières minutes sont admirables, passant de la froide cruauté d’une analyse scientifique du temps ou tourmenter les souris n’était pas l’occupation principale des chercheurs à cette scène mémorable montrant le « show » auquel se soumettait cette hottentote. Dans cette scène Kechiche nous met sans hésiter le nez dans le purin et il faut bien reconnaître la virtuosité du réalisateur dans sa manière de capter les regards et les visages, c'est-à-dire dans ce cas la laideur même. La laideur émanant de ce public assoiffé de monstruosité, rieur, intrigué et stupide interpelle et choque. Amuse aussi je dois bien l’avouer car elle n’est pas sans évoquer certains hooligan des stades de foot prompts à rappeler par des cris de singes combien ils en sont proches ou encore certains passionnés de téléréalité.
On accompagne la jeune femme – parfaite dans son rôle – le long de son voyage qui la fait croiser des personnages plus rebutants les uns que les autres (celui incarné par Olivier Gourmet est à vomir) et l’on comprend rapidement que noir c’est noir il n’y a plus d’espoir.
Sauf que le film dure 2h40 et que Saint-Exupéry disait que la perfection était atteinte non pas lorsqu’il n’y avait plus rien à ajouter mais lorsqu’il n’y a plus avait plus rien à retirer. Une Vénus noire parfaite aurait pu tenir en 1h30, de la même manière qu’un Avatar sérieux se condense en 7 minutes. Car assez rapidement arrive l’impression, croissante tout au long du film jusqu’à devenir insupportable vers la fin, que le réalisateur nous inflige un waterboarding, pratique de torture d’interrogation répandue consistant à plonger régulièrement la tête de l’opposant du terroriste dans l’eau ou tout autre liquide que la pudeur m’interdit de citer afin d’utiliser la sensation de suffocation comme moyen de pression.
Faisons l’honneur à Kechiche de supposer que le public qu’il vise n’est pas en bas âge (tiens, pas comme Avatar) et convenons donc qu’il n’était pas nécessaire de nous infliger des scènes atroces jusqu’à plus soif juste afin qu’on comprenne bien la chose. Kechiche voulait choquer ? Interpeller ? C’est chose faite, félicitations. Mais trop c’est trop et l’excès d’immondices nuit à la qualité du film et dessert le propos. Les trop rares caresses dans le sens du poil de l’humanisme, comme dans le générique final ou dans le pique nique improvisé, ne sauvent pas l’impression générale d’excès voir d'extremisme.
Pour finir une pensée furieuse envers ces gens du CSA ou de je ne sais où qui ont classé ce film « Interdit aux moins de 12 ans ». J’aimerais que ces gens – si prompts à monter sur les grands chevaux de la pudeur et de la moralité concernant jeux vidéo ou autres – m’expliquent en quoi le visionnage de ce film sied à un enfant de 12 ans et 1 jour, comment sa sensibilité et ses pensées en développement sont à même de comprendre, de relativiser, en un mot d’appréhender certaines des images que le film propose.
La violence n’est pas toujours gratuite : elle est disponible à 4 euros 20 cts, dans la plus petite salle du cinéma prêt de chez vous.
Mo²…
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