mardi 28 juin 2011

Etre heureux à tout prix



J’étais d’humeur rêveuse mercredi dernier quand je me rendais au boulevard Haussman pour l’ouverture des soldes. La première vague des extrémistes du lever de rideaux de fer venait de passer et je les croisais s’en allant chargés de sacs multicolores, quelques milliers d’euros sous le bras façon « le Smic c’est chic ». Les Galeries Lafayette et le Printemps resplendissaient de milles feux – il y avait bien là l’équivalent du PIB de la Grèce – et vibraient d’une intense activité. Les employés, aussi nombreux que dans toute l’Espagne, avaient dans les yeux la lueur de fierté qui sied à l’industrie du luxe et le port de tête hautain qui projette le regard vers l’horizon, soit dans leur cas les cabines d’essayage ou les escalators.

J’errais donc parmi les rayons tel un misérable de Victor Hugo Boss et me laissait aller aux contemplations : les mises en abimes étaient légion. Un négre, qui pour être ici à cette heure faisait bien partie de la France qui se lève tôt, humait une fragrance Guerlain avec une moue réprobatrice. Ironie du temps qui passe au stand l’Oréal une jeune fille sortie tout droit d’un épisode de Gossip Girl évaluait d’un œil expert quoique niais quelle teinte valoriserait le mieux la pulpe de ses lèvres, ignorant les réprobations moraliste que sa grand-mère lui servait sans plus y croire. Un étudiant de la Sorbonne relisait tout Zadig et Voltaire, son professeur passait à la caisse avec un Chatel N°5, un jeune magnat du pétrole achetait chez Diesel tandis qu’un rabbin au rabais en cherchait à Dior. C’était un défilé de merveilles dans ce jardin d’Eden Park où une belle femme converse sans qu’on l’accoste et où les hommes s’appellent tous Giorgio, Calvin ou Christian.

Un ami m’a montré un lien (http://www.worldometers.info/fr/) où s’affichent diverses statistiques remises à jour en temps réel, comme par exemple la population mondiale qui grimpe de deux ou trois unités chaque seconde. Soyez heureux natifs d’Éthiopie, du Bengladesh, du Bénin ou de Grèce, tous ces pays où famine et sécheresse sont monnaie courante. Souriez infirmes, enfants soldats et séropositifs. Car comme aimait à le répéter en boucle le charmant animateur dont la voix nasillarde s’échappait bruyamment des hauts parleurs :
« C’est le début des soldissimes. Profitez dès aujourd’hui de remises exceptionnelles de -30 à -50 % sur une large gamme de produits de luxe. Demandez votre carte fidélité qui offrira de nombreux avantages à nos clients privilégiés ».

Réjouissez vous, le bonheur existe.

Il est disponible boulevard Haussman, de 9H à 19H, hors dimanche et jours fériés.

Mo²…

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