dimanche 10 février 2008

Quand Nicolas aimait encore Cecilia...

Chapitre 17 :
Où l’on traite des difficultés de Sancho Panza
dans le gouvernement de son île,
ainsi que des actions de
Don Quichotte, charmantes en vérité.


Quelques mois après que son bon maître Don Quichotte, crème de la chevalerie errante, lumière éclatante dans l’ombre épaisse des mœurs de notre temps, lui eût baillé le gouvernement de l’île promise depuis le commencement de cette histoire, Sancho Panza se trouvait dans une posture fort délicate, qui lui faisait presque regretter son village, son épouse et son grison. En effet, le bon Sancho se trouvait confronté au dur métier de gouverneur, non pas qu’il fut plus éprouvant ou contrariant que le métier d’écuyer dans lequel Sancho excellait quoi qu’en dise son maître, mais bien parce que tout deux différent grandement et qu’on ne dirige pas un pays comme un grison, même si à cela Sancho aimait à répondre que comme un âne le destin conduit celui qui consent et tire celui qui résiste, et que les choses sont difficiles parce qu’on ne les tente pas plutôt que parce qu’on les tente et que de deux douleurs simultanées, la plus forte obscurcit l'autre, etc.
Donc, ce bon Sancho était confronté aux problèmes de la justice, de l’économie, de la défense, bref, tout ce qui compte normalement dans la vie d’un gouverneur qui s’estime comme tel. Las, Sancho n’était ni homme de lettre ni bachelier, quoiqu’il sût sans se tromper réciter l’alphabet dans les deux sens ce qui n’est pas peu de choses bien que d’une aide médiocre dans le gouvernement d’une île. Ainsi parfois sa langue fourchait et ses paroles, de lui à qui l’on prêtait alternativement un esprit éclairé ou fou, plongeaient de même le peuple dans l’inquiétude ou bien la joie. Quel ne fut pas l’étonnement devant ces termes employés : « Je suis à la tête d’une île qui est en situation de faillite sur le plan financier, je suis à la tête d’une île qui est depuis 15 ans en déficit chronique, et tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise, même s’il ne faut pas jeter l’eau du bain le bébé est malade, et l’on dit que depuis mai fait ce qu’il te plait et qu’à quelque chose malheur est bon !»
Faillite, rigueur, guerre seraient devenus monnaie courante dans ce gouvernement si le valeureux chevalier Don Quichotte ne veillait pas au grain. Cet héros, défaiseur de griefs et redresseur de torts (depuis son passage au ministère de l’intérieur), héritier incontestable des gloires passées de la chevalerie errante tels Lancelot, Amadis de Gaulle, Roland de Pompidou ou Frederick Taylor, incarnation vivante du bras de Dieu contre les injustices de ce monde, vainqueur du cyclope Lepen et de la sorcière Royal, libérateur du travail emprisonné par l’enchanteur Marx, bref de toute sorte d’actions impossibles à tout sauf à la valeur de son bras. Don Quichotte, donc, aidait son fidèle écuyer Sancho Panza à gouverner l’île, et l’on fera bien attention à lire « fidèle écuyer » et non pas « fidèle collaborateur » car Sancho exécrait que son maître l’appelle ainsi. C’était un Don Quichotte égal à lui-même, présent sur tout les fronts où l’on aurait besoin de sa justice légendaire, toujours prompt à secourir la veuve, l’orphelin ou tous les laissés pour compte (mais sur ce point le Cid Hamet Ben-Egeli, rapporteur de cette histoire, admet qu’il y là matière à discuter). C’est simple on le voyait partout, toujours en mouvement - en courant car son brave rossinante prenait un repos bien mérité - luttant contre des moulins à vent, des troupeaux de mouton ou autres enchanteurs.
Il se recommandait toujours à Dieu et à la non pareille Dulcinée du Toboso (petit village de la province de Prada), dame de son cœur et de son âme, dont la grande beauté de corps et d’esprit serait éclatante pour tous si l’enchanteur Montesinos ne l’avait pas transformée en une bourgeoise bien insupportable en vérité.


Bref, tout allait mal dans l’île de ce bon Sancho, mais heureusement le seigneur Don Quichotte, toujours prodigue en idées et conseils forts à propos tant et si bien que tout individu ignorant sa folie et discourant avec lui de tout ce qui ne traite pas de la chevalerie errante aurait pu le prendre pour un homme sain d’esprit, était là. Je veux 3% de croissance et si la croissance ne vient pas, et bien j’irai la chercher disait il en haranguant la foule. Défenseur des justes causes, il permettait la « libération du travail » et nombreux furent les habitants de l’île ravis par la possibilité nouvelle qu’ils avaient de travailler jusqu’à 65 ans, si tant est qu’ils vivent jusque là car comme disait Sancho si la santé n’a pas de prix elle a un coût, et 12 milliards de déficit c’est trop, même qu’un tien vaut mieux que deux tu l’auras etc. etc.
Don Quichotte allait confiant, lui qui ne connaît pas la peur, et bien coléreux contre ce mauvais enchanteur qui maintenait l’île dans sa situation malgré ces mois d’efforts. Heureusement pour le plaisir de cette histoire, l’attention fut alors détournée vers une autre menace, celle des Mores, ennemis depuis toujours, sous-hommes insensible à Dieu et à Dulcinée du Toboso, qui tentaient d’obtenir, infamie ! hérésie !, l’arme atomique.

Mais cela est une trop grande aventure pour ce chapitre déjà d’une taille honorable, et se lira donc dans un prochain chapitre des aventures admirables de L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte De Neuilly.

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